"Journalistes d'un jour" aux Archives municipales

Sous la houlette de David Desbans, directeur des archives, de Marie-Luc et Christophe, Souffleurs, et de Christine, directrice et formatrice ASEA.

 

Sont présents : Et Talia, Mariama, Mariam, Houda, Mabrouka, Ashraful, Malika, Mohanatas, Vijayantee, Afonso, Tatjana, Nazma, Angela (du groupe Vallès et qui ne pouvait pas assister à la visite des archives avec son groupe le lendemain) et Kassia (stagiaire ASEA).

 

Chouette ! Les journalistes d’un jour sont quasi tous présents.

Ils connaissent déjà l’existence des archives puisqu’ils ont pu les visiter l’an denier, aussi Marie Luc et moi avons demandé à David s’il pouvait, à l’aide des archives, nous relater l’histoire de l’une des populations migrantes d’Aubervilliers. Cela nous a paru intéressant de montrer que la ville a de longue date été nourrie, enrichie, par l’arrivée de populations extérieures. À cette demande, David et son équipe nous ont préparé plusieurs documents que nous voyons présentés sur une table de la salle de lecture. Mais ce sera pour la fin de la visite, pour l’heure nous descendons dans le ventre des archives.

 

Et là, premier arrêt devant une palette de boîtes qui attendent dans le couloir. Que sont-elles, toutes ces boîtes ? David nous explique que les archives ont un rôle non seulement de conservation des documents mais également d’élimination. Diantre ! Et oui, puisque les archives archivent toute pièce émanant des administrations de la ville, elles gèrent également l’élimination nécessaire des documents dont l’utilité arrive à expiration et qui n’ont pas de valeur historique. Se retrouvent dans ce cas les factures périmées de toutes sortes. D’où ces boîtes dans le couloir qui attendent leur évacuation. Ainsi en va la vie du ventre des archives. Assimilation, rangement, classement, conservation mais aussi destruction.




Passé le tas de boîtes, nous voici dans la première salle, composées de travées où se trouvent les épis sur lesquels reposent les tablettes. Là, sont rangés les ouvrages précieux, ceux qui font mémoire commune depuis le XIVe siècle, tel cet ouvrage de recensement de la population que David nous présente. Il sort des tablettes différents documents – recensement, registres d’état civil, listes de conscrits – et Malika lui dit qu’elle voudrait retrouver la trace de quelqu’un dont elle ne sait que peu de choses de sa vie en France. Pourrait-il l’aider dans cette enquête ? David lui propose de prendre contact avec lui, et il la guidera dans ses recherches. Malika affiche un grand sourire !

 

Il nous explique ensuite, thermomètre en main, la vigilance dont il faut faire preuve en tant qu’archiviste dans la veille au bon état de l’air dans les sous-sols. La température et l’humidité sont les ennemies numéro un des documents, nous explique-t-il, elles provoquent l’apparition de moisissures sur les pages des livres, les couvrant de gris, de brun, faisant disparaître les écritures. Danger bien plus important que celui toujours possible des souris !

 

Quel boulot que celui de conserver vivante la mémoire commune ! Souvent on fait appel à « La Grosse », terme employé pour signifier une copie d’un document original. L’original étant gardé dans des archives beaucoup plus sûres, genre à Paris ou Saint-Denis. Il y a de fait plein de « Grosses » dans les archives, figurez-vous !

 

Ensuite, nous regardons de vieilles photos d’Aubervilliers datant du début du XXe siècle. En ce temps-là, Aubervilliers est piquée de cheminées d’usines en brique rouge. Le ciel est couvert de longs panaches noirs, blancs et gris. On fabrique des casques de guerre, on tanne les peaux, on livre des vaches en direction des abattoirs de La Villette par le canal qui est la voie industrieuse de la ville, son aorte en quelque sorte.


Puis nous quittons le ventre pour remonter en salle de lecture. Là, David avait donc sorti pour nous les documents collectés lors d’une enquête sur une population d’immigrés à Aubervilliers, recherche effectuée par Patricia, une de ses collaboratrices, et répondant à une demande du musée de l’Immigration. Il nous parle des Italiens, venus ici au début du xxe siècle, de la façon dont ils se sont intégrés et de l’empreinte qu’ils ont laissée. Ainsi, la cité de la Mare est un ancien quartier d’Aubervilliers où l’on retrouve la trace de ces habitants, les archives en font mention. Sur des cartes posées au mur, nous pouvons voir que jusqu’en 1890, Aubervilliers était encore un gros village de 1 000 habitants, avec beaucoup de champs, le maraîchage y était la principale activité. La population y cultivait des légumes, des choux, des carottes, des salades. Elle alimentait ainsi une bonne part du ventre de Paris. Vient ensuite l’industrialisation de la ville et ses longues cheminées de brique rouge dont il reste un exemplaire rue Henri Barbusse, c’est l’ancienne fabrique d’allumettes. Cette industrialisation a conduit à accueillir à Aubervilliers des ouvriers venant d’Europe, qui se sont tout d’abord regroupés communautairement par quartiers. On en retrouve les explications pragmatiques dans les documents d’archive.

 

David nous parle des différentes migrations qui à cette époque sont constituées de Belges, d’Espagnols, de Portugais, mais aussi d’Alsaciens. Ceux-ci demandèrent à retrouver la nationalité française après la Première guerre mondiale. La difficulté pour eux fut d’être considérés comme Français par la population qui les rejetait du fait qu’ils parlaient entre eux l’alsacien, langue bien trop proche de celle de l’ennemi d’alors. Après cette mise en perspective, la visite se termine, elle aura suscité beaucoup de questions, beaucoup d’intérêt et de curiosité de la part du groupe ; merci David d’y avoir répondu avec autant de plaisir et d’implication. On sait dès lors que si l’histoire en France de nos participants ASEA est récente, elle s’inscrit dans l’Histoire de la ville, elle n’est pas une exception contemporaine. Ils ont semble-t-il bien compris que leur présence ici a tout son sens dans un principe de vie continu d’Aubervilliers.