Nouvelle danse du Trésor avec les Journalistes d'un jour ASEA

Nous avons cette particularité parfois de nous balancer en marchant. Le temps nous est léger, le sol nous est facile, notre pied ne tourne qu’à bon escient.

 

René Char

 

Nous avons aujourd’hui rendez-vous dans les nouveaux locaux de la Fabrique de Santé, au 20 rue du Colonel fabien (à deux pas de la Maison des Pratiques). Nous y retrouvons Christine dans le hall, qui guette l’arrivée de nos participants ASEA ; eux aussi y viennent pour la première fois.

Nous faisons la connaissance des jeunes femmes assistantes sociales ou de l’accueil. Ce mot « accueil » a tout son sens ici ; elles nous reçoivent avec grande bienveillance, et le hall s’emplit de la joie lumineuse qu’elles déploient. Christine nous glisse à l’oreille qu’elles avaient hâte de nous rencontrer, les Souffleurs, dont elles avaient tant entendu parler.

Nous échangeons les paroles de bienvenue et de remerciement, et très vite engageons un dialogue qui laisse penser que nous avons en commun une certaine vision du monde et des êtres. Elles nous proposent de nous revoir un midi pour déjeuner ensemble et poursuivre la belle rencontre. Anne, l’une d’entre elles, nous fait ensuite passer un petit mot d’amour.

Les participants ASEA arrivent peu à peu, et la douce joie qui règne ici s’en accroît. On est frappé par tant de paisibles sourires échangés, tant d’élégance dans la simplicité des gestes offerts.

Les locaux ont été refaits à neuf, et c’est dans une salle spacieuse que nous nous installons. De grandes baies vitrées donnent sur un petit jardin où quelques chats se coursent ; espace et clarté, on s’y sent bien. 


Il était prévu aujourd’hui que nous décidions ensemble de la forme que prendra notre moisson de mots traduits en différentes langues, notre glossaire, pour la Fête des associations le 1er juillet prochain. Nous demandons aux participants leurs idées. Sans doute tout un printemps nous accompagne, ou bien c’est nous qui vraiment l’habitons, on voit à chacun assis autour de la table des ailes prêtes à s’ouvrir.

 

Malika commence : « On pourrait faire des panneaux, où serait au centre un dessin de Milka, avec autour tous les mots traduits ; chaque mot serait comme une image. » (Milka est peintre, on compte beaucoup sur elle.)

 

À son tour, Et Talia prend la parole : « On dessine une tortue, avec un mot sur chaque écaille, celui en français au milieu et les traductions autour. »

 

Christine intervient : « Vous aviez une autre idée, Et Talia, vous en souvenez-vous ? » Non, Et Talia en a tout oublié… Christine reprend : « Vous aviez pensé à la réalisation de protège-cahiers. » Et Talia sourit, en effet, elle avait émis cette idée, des protège-cahiers portant les mots du glossaire. 




Christine et les participants, entre deux manufactures, avaient pris le temps de parler entre eux des idées qu’ils nous soumettraient aujourd’hui. Certains des participants du groupe sont absents, aussi Christine fait écho de leurs propositions : « Lors de la Fête des associations, il y a des stands de restauration. On a pensé à des sets de table décorés de mots, à des bagues de papier à placer autour des verres… On a également imaginé une exposition de parapluies sur lesquels on aurait écrit. Et à la fabrication d’éventails. »

 

Mohanathas répond à notre sollicitation. Il a dessiné son idée sur son cahier : c’est un homme au milieu de la mer et qui se noie. On voit sa tête, et ses deux mains tendues en l’air. Il appelle au secours, et sur chacun de ses doigts, on voit un mot écrit. Nous allons plus avant dans l’idée de Mohanathas, et finissons par comprendre très clairement que pour lui, ce qui nous sauve, ce sont les mots. Grande émotion…

 

Ashraful n'a pas d'idée particulière. Il nous explique que sa préférence va à la réalisation du projet. Il est vrai qu’Ashraful a une très belle écriture, qui sera bienvenue au moment de la calligraphie des mots du glossaire. Il est vrai également qu’Ashraful travaille la nuit. Il a terminé ce matin à 7 heures, puis nous a rejoint à 8h45. Peut-être est-ce ce qui confère à sa présence une propriété si apaisante.


Nous demandons à Milka quelle est sa proposition : « J’imagine des empreintes de pas, chacune portant un mot. Ce serait comme une rivière d’empreintes de pas. » (Ils étaient allés au musée du Quai Branly la veille, et y avaient suivi la rivière de mots.) Tous ensemble, on développe cette idée. Dans le parc qui accueillera la Fête des associations, on pourrait faire un chemin de mots, une route des pas depuis le stand d’accueil jusqu’à celui des Souffleurs. Nous sommes vite confrontés aux difficultés de réalisation de ce projet, pas tant celles techniques qui sûrement pourraient être résolues, mais parce que nous manquerons de temps. Nous récapitulons les idées émises et pour chacune, les participants et nous les dessinons au tableau, corrigeons, effaçons, redessinons, afin que nous en ayons tous une vision commune et tout à fait partagée. 

 

Va et vient entre la table et le tableau… À travers la baie vitrée, quelques chats médusés dans le jardin contemplent notre ruche et sans doute s’étonnent qu’ici tour à tour chacun-chacune soit reine… Nous voyons que nous pouvons associer certaines des idées. Ainsi, nous gardons la rivière, les empreintes de pas, les mains, les tortues… et ajoutons quelques poissons.

Des empreintes de pas et des mains borderont la rivière poissonneuse, de laquelle émergeront trois îles-tortues. Les pas, les mains, les poissons et les tortues porteront les mots du glossaire et toutes leurs traductions. Nous gardons également l’idée des protège-cahiers, objets destinés d’une part à tous les participants ASEA, et, d’autre part, qui seront exposés sur les stands ASEA et Souffleurs, et offerts aux visiteurs.


Nous abordons maintenant les aspects technique et logistique de ces deux projets.

Quel support pouvons-nous imaginer pour la rivière ? On opte pour un lé de tissu long de 7 mètres, d’une couleur se rapprochant autant que possible du bleu des chemins d’orientation des Souffleurs, tissu auquel nous fixerons à intervalles réguliers des tasseaux à poser ou à ficher en terre. Les dessins et les écritures seront en blanc. Afin de pouvoir dessiner et écrire sur ce tissu, il faut une toile de coton. Christophe blague : « Cette banderole, ça va être coton à réaliser ! » Flop !!! Alors on explique la signification de « c’est coton », et l’on parle des registres de la langue. Les participants écrivent cette expression dans leur cahier de vocabulaire, et l’on reprend. Pour les dessins (les pas, les mains, les poissons et les tortues), le plus simple sera que l’on ait des gabarits. C’est Milka qui s’en chargera, et elle en réalisera en différentes tailles.

  

Quel sera l’aspect des protège-cahiers ? Mohanathas, là encore, a fait un dessin sur son cahier. C’est le plan d’une ville, avec écrits le long de chaque rue des mots du glossaire. On adopte tout de suite ! Il nous faudrait donc un plan d’Aubervilliers sans qu’y soient portés les noms des rues. Hasard objectif, il se trouve que Christine a chez elle un plan de la ville sans le nom des rues ! On décide, puisqu’il faudra faire une certaine quantité de photocopies, que ce sera en noir et blanc.


Nous établissons maintenant une liste du matériel dont nous aurons besoin pour la confection de la rivière et des protège-cahiers, lors de la prochaine manufacture au hangar, le 15 juin :

 

* Pour la rivière :

– tissu coton bleu : 7 mètres + 1 mètre pour y faire des essais dessin/écriture. (Christophe ira au marché Saint-Pierre)

– des tasseaux

– une agrafeuse pour fixer le tissu sur les tasseaux (et des agrafes)

– Poscas blancs pour écrire

– bombes de peinture blanche à jet resserré (oui, dit Milka, ça existe)

– feuilles de carton pour les gabarits (Christine donnera à Milka des chemises cartonnées sans dos)

– ciseaux

– punaises ou pinces pour tendre le tissu sur une table, parcelle après parcelle, et pouvoir y écrire (prévoir au hangar des Souffleurs une installation de tables offrant suffisamment de surface)

– chiffons, éponges

– crayons à papier

 

* Pour les protège-cahiers (de différentes tailles) :

– le plan de Christine (à agrandir en différentes tailles et à photocopier pour la réalisation des modèles)

– feuilles A4 et A3 (réalisation des modèles, puis photocopies, puis pliage)

– stylos feutre noirs à pointe fine

– règles pour préparer les rainures de pliage

 

A-t-on oublié quelque chose ? Il semble que tout y est, mais nous sommes d’accord que si d’ici la prochaine manufacture l’un d’entre nous devait penser à quoi que ce soit à ajouter à ces deux listes, nous nous en informerons les uns les autres.

 

Aujourd’hui, nous n’avons pas apporté d’appareil photo. C’est Christine et Mohanathas qui fixent les instants de notre manufacture.

 

Derrière la baie vitrée, quelques chats dans le jardin s’éveillent de leurs songes. Il est l’heure de se quitter. Dans toute cette effervescence, la course du temps nous a échappé, ou bien c’est nous ensemble qui avons volé au temps ce matin de présence dense : tous les visages portent la trace du ravissement, l’empreinte du rapt merveilleux.

 

Christophe B. et Marie-Luc M., Souffleurs, jeudi 18 mai 2017

 

 

Manufactures avec l'association ASEA - Aubervilliers (93) © Les Souffleurs commandos poétiques